Tablettes, mini ordinateurs, consoles, peluches animées, poupées presque vivantes… Les jouets d’aujourd’hui rivalisent de prouesses en tous genres. Bien sûr, ils font partie du quotidien de nos enfants, mais avant l’âge de trois ans, sont-ils adaptés ? Le point avec Michaël Stora, psychologue-psychanalyste pour enfants et ados.
Avant trois ans, ne sont-ils pas trop jeunes pour avoir des jouets technologiques ?
Les enfants sont nés avec cette technologie. Ce qui ne les empêche pourtant pas de continuer à jouer avec des jeux plus basiques. Selon moi, il faut bien saisir que tous ces jouets, peu importe lesquels, n’ont de valeur aux yeux des plus petits, que s’ils sont partagés avec les parents. Aux alentours de douze dix-huit mois, un enfant est en effet dans une construction sensorielle. Comme un chercheur, il teste beaucoup de choses, mais reste avant tout dans cette bulle fusionnelle avec la mère, celle avec laquelle il a envie d’interagir. Sa capacité à jouer, à faire comme si, à faire semblant, apparaît plus tard, vers trois ans. Avant, il est dans la proprioception. L’enfant s’approprie un objet, en le manipulant, en le mettant à la bouche. Allumer, éteindre un jouet sont des relations de cause à effet qui lui plaisent. Mais il n’a pas encore accès au jeu symbolique. Par exemple, s’il s’empare d’une petite voiture, ce qui l’amuse ce sont les roues. Il va la faire avancer simplement. À trois ans, il est capable de raconter une histoire qui s’y rapporte.
De plus en plus de très petits manipulent une tablette tactile, qu’en pensez-vous ?
C’est un outil qui leur est familier. Ils voient leurs parents s’en servir et cela devient tout simplement un objet de convoitise et de pouvoir. Là, il est important que les adultes leur permettent d’y accéder, tout en les accompagnant. C’est ce que l’on appelle l’attention conjointe qui passe par la sensibilité visuelle et permet de partager à deux une émotion devant les images.
Tablette, mini ordinateurs, consoles et autres jouets électroniques n’ont-ils pas tendance à isoler les enfants, contrairement à d’autres jeux qui sollicitent plusieurs personnes ?
Tout est une question de dosage. On n’achète pas ce type de jouet pour qu’il devienne une nurse digitale. Même s’il est parfois difficile et épuisant de s’occuper de nos enfants, même si nous avons parfois besoin d’un peu de répit, il est extrêmement important qu’ils ne remplacent pas les interactions enfantsparents. Ces jouets n’ont pas pour but de pallier les moments de solitude. Et un enfant de 18 à 24 mois ne va jouer seul et avec plaisir que s’il a été, dans un premier temps, initié par ses parents. Quel bonheur pour lui, ensuite, de s’activer en solo et de monter fièrement qu’il y est arrivé. Cela le valorise et le conduit petit à petit vers sa propre autonomie.