Si vous êtes un jeune parent, vous avez de fortes de chances pour que votre bambin ne passe pas par la case crèche, que vous le vouliez ou non. Car selon un récent rapport de l’Observatoire de la petite enfance, il manquerait 500.000 places en crèches. Résultat : trouver une place en crèche est devenu un véritable parcours du combattant.
Ca y est, l’heure est venue de reprendre le travail. Alors, crèche ou pas crèche ? Les places étant de moins en moins nombreuses, statistiquement, quelles sont vos chances de lui en trouver une ? Faisons le calcul. Actuellement, pour dix enfants de moins de trois ans, il y a seulement cinq places de garde. Une chance sur deux, donc. Et sur les cinquante enfants gardés, vingt-huit le sont par une assistante maternelle, cinq sont dans une crèche, cinq sont à l’école, et deux sont à la maison – bien souvent, gardés par leur mère. Ca ne fait pas lourd. Selon l’Observatoire de la petite enfance, il manquerait 50.000 places en crèches pour répondre à la demande des familles françaises. Et avec 835.000 naissances par an, le nombre de bébés à garder augmente plus vite que le nombre de places en crèche.
Système D et crèche clandestine
Au mois de juin dernier, à Marseille, une crèche clandestine a été fermée par les policiers de la brigade du travail et la Protection maternelle et infantile (PMI). Alertés par une dénonciation anonyme, ils ont découvert vingt-cinq enfants dans un appartement une pièce, gardés par deux femmes, pour dix-sept euros par jour et par famille. Selon une source proche de l’enquête, cette crèche fonctionnait depuis plusieurs années. En juillet, une seconde crèche clandestine a été démantelée dans la même ville. Car face à la pénurie de places en crèches, les systèmes D se multiplient. « La garde au noir pullule. C’est la réalité quotidienne à Marseille », avait alors alerté Morgane Turc, adjointe au maire en charge de l’enfance du secteur.
Opération coup de poing pour « Crèche qui passe »
Au mois d’octobre, le collectif « Crèche qui passe » a frappé un grand coup pour remettre la question à l’ordre du jour. Devant le ministère de la famille, dix bambins ont été symboliquement « déposés », donnant à voir une véritable crèche éphémère. Le symbole était fort : le collectif passait le bébé au gouvernement. « Mes parents sont partis travailler, ils reviennent ce soir », pouvait-on lire sur les pancartes. La demande du collectif ? La création d’un service local et national de la petite enfance.
« A l’origine, un constat simple : celui que nous, jeunes ou futurs parents, galérons durant des mois, voire des années, pour dénicher un mode de garde pour nos enfants », expliquent deux membres du collectif dans un plaidoyer publié dans le journal Alternatives Economiques. « Mode de garde que parfois nous cherchons encore. Ce constat, partagé par les neuf foyers sur dix qui ne trouvent pas de place en crèche publique, révèle que les pouvoirs publics français n’accompagnent pas suffisamment les femmes dans leur émancipation économique, un processus qui est loin d’être achevé. »
Le directeur de cabinet de la ministre Dominique Bertinotti a alors reçu les parents, et s’est engagé à trouver des solutions. Mais si François Hollande s’était déjà engagé, pendant sa campagne présidentielle, à créer les 500.000 places manquantes, l’affaire des crèches clandestines marseillaises nous apprend que le problème n’est peut-être pas uniquement dans les chiffres, mais dans la répartition géographique des places disponibles.
Une place en crèche à Paris : Mission impossible
L’offre varierait en effet largement selon les départements : On passerait ainsi de neuf à quatre-vingt places pour 100 enfants de moins de 3 ans, selon les estimations du gouvernement. En tête des régions en grande pénurie : la région parisienne. « Je n’aurais jamais cru que ça allait être une telle galère », confie Marine, jeune maman parisienne. En CDI dans une agence de publicité, elle pensait pouvoir reprendre le travail assez vite après la naissance de son fils. Son compagnon, à son compte, n’imaginait pas non plus qu’il allait pouponner entre deux réunions.
« On a bataillé comme des dingues… pour rien du tout. » Pour le couple, l’attente a été longue. Marine a négocié auprès de sa hiérarchie pour pouvoir reprendre son poste en télétravail, Julien, qui travaillait dans un bureau avec ses deux associés, est rentré bosser à la maison. Ils ont alterné biberons, réunions sur Skype et crises de nerfs en espérant que la tant attendue place en crèche les libère enfin. Finalement, elle n’est jamais arrivée.
Résultat : trois ans d’attente. Le temps pour leur fils d’entrer en maternelle. « On a délégué à nos parents qui eu ont la gentillesse de garder notre fils dès qu’ils le pouvaient, et pour le reste, c’était du pur freestyle. Je pense qu’on a tenu le coup parce qu’on était persuadés qu’on allait pouvoir le faire garder un jour ou l’autre… Mais ça n’est jamais arrivé. » Aujourd’hui, le fils de Marine et Julien va à l’école, et la petite famille a fini par trouver son rythme. « Je vous explique même pas comme le retour au bureau était étrange, après toute cette galère. ‘Mais c’est dingue, il n’allait pas à la crèche, ton fils ?’ J’ai entendu ça dix fois la première semaine, et j’ai serré les dents. »
« De nouvelles réponses s’imposent »
Le 17 novembre a débuté une série de consultations dans quatre régions (Midi-Pyrénées, Bourgogne, Nord-Pas-de-Calais, Pays-de-la-Loire) réunissant des parents, des professionnels, des élus ou des collectivités locales. « On sait qu’on n’offre pas à l’ensemble des parents les mêmes chances d’accès à un mode d’accueil en fonction de leur lieu de résidence », a déploré la ministre dans un communiqué. « De nouvelles réponses s’imposent. »
Et ensuite ? Le gouvernement a annoncé qu’il élaborerait, à partir de ces consultations, de nouvelles orientations pour l’accueil des tout petits. Parmi elles, la généralisation de la scolarisation dès 2 ans, qui risque de ne pas mettre tout le monde d’accord ; mais aussi l’abrogation début 2013 du décret Morano, qui autorise les crèches à accueillir ponctuellement davantage d’enfants, pour atteindre parfois un taux d’occupation de 120%, et abaisse ainsi le taux minimal de personnel « très qualifié ».
Cette annonce sonne un nouvel espoir pour le collectif « Pas de bébés à la consigne », qui se mobilise depuis 2010 pour le retrait de ce décret. « C’est une première réponse à l’attente du monde de la petite enfance pour des modes d’accueil de qualité, et doit inaugurer une rupture avec la politique précédente de dégradation des conditions d’accueil des jeunes enfants », estime le collectif. Un premier pas, mais pas le dernier. « Le président de la République a annoncé une priorité à la jeunesse, il y a maintenant urgence à développer des modes d’accueil de qualité, première pierre d’une société accueillante pour ses tout-petits. »
Micro-trottoir : Selon vous, l’accueil des tout petits devrait-il être une priorité du gouvernement ?
Adèle, 25 ans, étudiante en art
« Absolument. C’est indispensable pour que les mères aient la possibilité réelle de reprendre le travail quand elles le souhaitent ! J’ai une amie qui vient d’avoir un bébé et je mesure vraiment la difficulté pour les jeunes parents à trouver une solution de garde. Pour le coup, mon amie s’arrange avec ses parents mais c’est une chance, tout le monde ne l’a pas. »
Simon, 45 ans, ingénieur
« Une priorité, je ne sais pas. C’est le bazar à tous les étages en ce moment, donc même si l’accueil des tout-petits est érigé comme priorité, je ne vois pas très bien comment des solutions concrètes pourraient être trouvées rapidement. Là, tout de suite, je m’inquiète quand même plus pour les retraites et le chômage, mais c’est parce que mes enfants sont grands j’imagine. »
Ibrahim, 30 ans, éducateur spécialisé
« C’est une certitude ! Je nage en plein dedans en ce moment, avec mon grand qui a commencé l’école et le petit pour lequel c’est rebelote : Un vrai casse tête ! Les familles aisées ne se posent pas tant de questions je suppose, mais quand on ne peut pas payer une nounou cinq jours sur sept, on se rend vite compte que la situation est intenable. Je n’imagine même pas la galère pour une mère célibataire… »
Sonia, 37 ans, infirmière
« Ca devrait être une priorité, bien sûr ! Tant qu’une vraie mesure ne vient pas bousculer tout ça, la difficulté à faire garder les petits oblige carrément certains parents à ne pas reprendre le travail. Evidemment, c’est surtout sur les mères que ça tombe. On est plus dans les années 50 et pourtant, certaines ne peuvent pas réellement choisir entre pouponner et travailler. »