Depuis le 1er novembre 2008, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) interdit aux chaînes françaises de diffuser des programmes destinés aux enfants de moins de 3 ans. Et les distributeurs de chaînes étrangères (comme Baby First et Baby TV) doivent faire figurer à l’écran des messages d’avertissements à l’intention des parents. Des mesures bénéfiques pour la santé de nos bébés ?
Un plaidoyer contre la « bébé-télé »
Le 26 octobre 2007, Serge Tisseron, psychanalyste, Pierre Delion et Bernard Golse, pédopsychiatres, signaient une tribune dans Le Monde indiquant qu’il était « urgent de se mobiliser pour la création d’un moratoire qui interdise aux chaînes de télévision pour les 6 à 13 mois d’exister ». Colère immédiate des responsables de Baby TV, Tiji, Piwi, Baby First et Playhouse Disney, chaînes dédiées aux 0-3 ans, dénonçant des « experts déconnectés de la réalité » Et d’ajouter : « Cela ne sert à rien de jouer les censeurs et de faire culpabiliser les parents ».
Pourtant, quelques mois plus tard, le ministère de la Santé (qui a reçu les experts en question) sollicite l’avis du CSA. Après plusieurs mois de travail, celui-ci a annoncé le 14 août dernier que les chaînes de télévision françaises ne pourraient plus « ni diffuser, ni promouvoir, sur leur antenne et sur tout autre support, des programmes visant spécifiquement les enfants de moins de trois ans » dès le 1er novembre.
L’interdiction ne concerne que les chaînes françaises
Pour les chaînes comme Baby First et Baby TV, qui émettent depuis l’étranger et donc échappent à cette obligation, le CSA oblige les distributeurs (opérateurs du câble, bouquets satellitaires…) à diffuser un avertissement indiquant que « regarder la télévision peut freiner le développement des enfants de moins de trois ans, même lorsqu’il s’agit de chaînes qui s’adressent spécifiquement à eux ».
Les distributeurs doivent aussi indiquer, sur leurs supports de communication hors écran, que : « Regarder la télévision, y compris les chaînes présentées comme spécifiquement conçues pour les enfants de moins de 3 ans, peut entraîner chez ces derniers des troubles du développement tels que passivité, retards de langage, agitation, troubles du sommeil, troubles de la concentration et dépendance aux écrans ».
Enfin, il leur est interdit de promouvoir les « prétendues vertus sanitaires, éducatives ou pédagogiques » de programmes visant les bébés. Un sérieux bémol au développement de ces chaînes ! Mais cela suffit-il à rassurer les pédopsychiatres ?
Des parents plus conscients des dangers du petit écran
Pour Pierre Delion, chef du service de pédopsychiatrie au CHRU de Lille, « c’est un premier pas important dans la prise en compte du problème par les pouvoirs publics. C’est l’application du principe de précaution ». Depuis, ce professionnel se réjouit de voir que l’information circule, que les gens semblent plus conscients des risques de la télé pour les tout-petits. Il rappelle qu’un enfant d’un an dort environ 19h sur 24, et qu’il est donc dommage de gâcher ces quelques heures d’éveil devant un écran. D’autre part, si la concentration augmente avec l’âge, entre 1 et 2 ans la télé doit servir avant tout à l’interaction avec les parents, pas à l’excitation sans retour que provoque parfois cette petite lucarne. « Sinon, à trois ans, on vient nous voir pour mettre le petit sous Ritaline parce qu’il dort mal et qu’il est devenu hyperactif ! ».
Les images diffusées peuvent-elles traumatiser Bébé ?
A la question : « y a-t-il un risque lorsqu’un enfant entre 2 et 3 ans regarde un film d’animation ou un dessin animé avec des scènes de bataille, de méchanceté, de deuil ? », Pierre Delion répond par l’affirmative. En même temps, il reconnaît qu’il est parfois difficile de faire autrement dans les familles où il y a plus d’un enfant. « A 2 ans et demi – 3 ans, ce qui compte, c’est ce que l’enfant puisse, après le film, dire et rejouer ce qu’il a vu avec ses copains. S’il garde tout pour lui, il peut ensuite cauchemarder ! N’hésitez donc pas à en parler avec lui, voire avec la maîtresse ou à la crèche, pour lui permettre de passer de l’imaginaire interne à l’imaginaire externe ».