L’ouïe de bébé sous surveillance

Il existe chez les 0-3 ans des pathologies qui ne sautent pas aux yeux, mais qu’il est pourtant primordial de détecter le plus tôt possible. L’attention des parents est en première ligne.
Les troubles de l’audition avec le Dr Julien Briffod, ORL pédiatrique au Centre médical spécialisé de l’enfant et de l’adolescent (CMSEA) dans le 11e à Paris.

Bébé entend mal: à quel âge le dépister?

La question est polémique. A l’heure actuelle, on pratique en France un dépistage systématique sur les enfants présentant des facteurs de risque, deux ou trois jours après leur naissance (par facteurs de risque, on entend les antécédents familiaux de surdité, un poids inférieur à 2 kg à la naissance, une infection pré ou néonatale et une jaunisse importante, avec transfusion sanguine totale). Mais pour les autres bébés, seules quelques maternités pilotes proposent un dépistage.

Pourtant, on sait que sur l’ensemble des enfants qui souffrent de surdité, qu’elle soit légère, moyenne, sévère ou profonde (voir encadré), seuls la moitié d’entre eux présentent des facteurs de risque… De plus, pour tout ce qui concerne les surdités congénitales, il est impératif que la prise en charge soit faite le plus précocement, notamment pour permettre le meilleur développement du langage possible.

En France, nous sommes donc en retard sur le dépistage auditif, comparé à de nombreux pays de même niveau de développement. Cela dit, les choses bougent en ce moment. Mais comme toujours en matière de santé publique, il y a des questions de sous (prise en charge de l’examen par la sécurité sociale, coût du matériel), de formation et de disponibilité du personnel. Rajoutez à cela le fait que les appareils de dépistage ne sont pas fiables à 100% (mais aucun ne le sont) et qu’ils sont générateurs d’angoisse chez les parents en cas de test « faux négatif » (test en faveur d’une surdité mais qui ne l’est pas en réalité).

Certains y voient également un risque de modification du lien mère/enfant. Mais quand on sait qu’aujourd’hui, 70% des diagnostics de surdité sont encore faits par les parents, donc souvent très tard, on se dit qu’au final, les bébés ont quand même tout intérêt au dépistage systématique à la naissance ! Sinon, un dépistage clinique est de toute façon effectué par le pédiatre lors des visites obligatoires du 4e et du 9e mois de l’enfant, et encore un à 2 ans

 

Ouïe de bébé: quels sont les troubles les plus fréquents ?

Il y a deux grandes « familles » en matière de surdité :

Les surdités de perception, qui atteignent l’oreille interne et sont non réversibles. Elles concernent un enfant sur mille à la naissance, 60% d’entre elles sont d’origine génétique, 20% sont liées à des infections et 20% sont de causes inconnues. Ce sont elles que l’on cherche dès  la naissance, car elles sont souvent d’intensité moyenne à profonde et peuvent nécessiter opérations et/ou appareillages précoces.

 

Les surdités de transmission, réversibles. Elles représentent 90% des cas de surdités chez les 0-6 ans. Elles sont dues à 90% à des otites séreuses. Les otites séreuses apparaissent autour d’un an, elles correspondent à du liquide derrière le tympan qui va gêner l’audition.

Ce liquide peut s’infecter et donner une otite moyenne aigue nécessitant traitement, mais les otites séreuses en elles-mêmes n’ont pas de traitements médicaux réellement efficaces. Elles restent en place de manière latente pendant des années et guérissent en grandissant. Quand elles occasionnent des retards de langage, des otites aigues à répétition (plus de 3 en 6 mois) ou un déficit auditif marqué (enfant qui parle fort, qui fait répéter, qui ne répond pas à son prénom, qui devient isolé, voire agressif car il ne perçoit que l’agressivité de notre ton quand on lui répète les choses pour la 3e fois), on peut procéder à une ablation des végétations ou à une pose d’aérateurs trans-tympaniques, dits « yoyos ».

Ces derniers permettent au liquide de s’évacuer et du jour au lendemain, les enfants entendent bien. Ils ne tiennent souvent pas plus d’un an, mais dans l’intervalle, l’otite séreuse a guéri d’elle-même dans 70 à 80% des cas. En fait, 95% des otites séreuses évoluent vers la guérison et 5% en complication (il en existe deux sortes, dont une grave). En cas d’otite séreuse, la surveillance doit être bisannuelle.

Des parents atteints de troubles de l’audition peuvent-ils les transmettre à leurs enfants ?

 

Pas pour ce qui concerne les surdités de transmission (liées à l’otite) ni les surdités de perception liées à des infections. Quant aux surdités congénitales, elles sont consécutives à des mutations de gènes. Ce n’est donc pas parce que les parents sont sourds qu’ils auront un enfant sourd et inversement… Un dépistage devrait finir de les rassurer.

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