Pour affronter les difficultés du monde, mieux vaut avoir confiance en soi ! Mais gagner sa propre estime ne vient pas tout seul… Entre son image perso’ et le regard des autres, les succès mérités et les échecs difficiles à accepter, pas toujours facile de cohabiter avec soi.
Une boussole pour vous guider dans la vie. C’est comme cela que Bruno Humbeeck, auteur d’un livre consacré au sujet, défini l’estime de soi. « C’est un socle indispensable pour bien se développer, un sujet qui touche tout le monde mais qui reste finalement assez peu clair ! L’estime de soi est un mélange délicat entre connaissance, affection et image de soi ». Différente de la confiance en soi, l’estime est à la fois personnelle et indissociable du regard des autres.
Pour pouvoir se construire et grandir, il faut par moment se voir plus beau que l’on est, mais aussi être conscient de sa valeur et être capable de se fixer des objectifs réalistes, sous peine de frustration permanente.
Une bonne estime, c’est une estime stable : « La confiance en soi peut monter rapidement, si on nous flatte par exemple. Mais elle s’écroule tout aussi vite en cas de critiques. Pour garder une bonne estime, il faut avoir des bases solides ».
Sécurité et confiance
La construction d’une bonne estime de soi commence dès le plus jeune âge. Elle repose sur deux notions : la sécurité affective et la confiance en ses compétences.
Pour bien grandir, un enfant a besoin de se sentir en sécurité, d’un point de vue matériel mais aussi d’un point de vue affectif. La première étape pour s’estimer est de se sentir aimé, de façon inconditionnelle et inaltérable de la part de ses parents. S’il peut arriver qu’il fasse la tête ou se vexe lorsqu’il est grondé, l’enfant ne doit jamais se sentir en danger ou en situation de perdre l’amour de ses parents. Les punitions ne doivent jamais tourner à l’humiliation et l’enfant ne doit jamais se trouver dans une situation où il est incapable de réagir. En cas de bêtises, « je n’aime pas ce que tu fais », vaut mieux que l’inquiétant « je n’aime pas ce que tu es », synonyme de rejet.
La confiance repose sur l’assurance et la reconnaissance de ses capacités. Lorsque l’enfant les découvre, il n’est pas apte à juger de leur intérêt ou de leur importance. Féliciter et souligner toutes ses compétences lui permet de se rendre compte lui aussi de ses réussites. Si l’échec est inévitable, pas la peine de s’attarder dessus, ni de le contraindre à retenter mille fois un geste impossible.
Très dépendant du regard des autres, le jeune enfant aime voir le monde tourner autour de lui. Être aimé et considéré, c’est d’abord attirer l’attention de ses parents. Même débordés, veillez toujours à réserver à votre enfant de vrais moments d’écoute. A quoi pense-t-il, qu’est-ce qui l’intéresse, quelle est son opinion sur tel ou tel sujet… Même si ses réponses sont incohérentes, vous lui montrez ainsi qu’il est digne d’intérêt, non seulement parce qu’il est votre enfant, mais aussi pour ce qu’il est lui-même.
Connaître à défaut de comprendre
Être aimé, c’est bien, mais être aimé pour soi, c’est encore plus valorisant ! Pour construire son identité, l’enfant a besoin d’être connu et d’être reconnu. Attention : il ne faut pas confondre comprendre et connaitre : rien n’empêche d’aimer sincèrement une personne et de ne pas du tout comprendre ses choix ou sa façon de penser. « La compréhension, c’est le problème des psys, qui cherchent à tout savoir ! Une relation affective doit garder sa part de mystère » rappelle M. Humbeeck.
La connaissance passe par les gouts, les préférences, les compétences, les qualités et les défauts, les échecs et les réussites.
Les preuves de cette connaissance sont des choses simples, tel le choix des cadeaux. L’argent, don traditionnel « pour que tu prennes ce que tu préfères », sonne comme un renoncement, une marque d’abandon, de désintérêt.
Charline, 24 ans, se rappelle avoir mal vécu « les enveloppes » offertes pendant des années : «J’en avais assez des cadeaux ratés, alors j’ai demandé des sous. Après je n’avais plus que ça, alors qu’ils passaient des heures dans les magasins pour trouver les cadeaux de ma sœur. C’était un peu trop facile ! ». Et oui : se creuser la tête, même si ça ne marche pas toujours, c’est toujours plus valorisant qu’un cadeau anonyme tel un billet de 20 euros. Pour 50, à la limite…
L’immanquable quête d’identité
Connais-toi toi-même : facile à dire… Le traditionnel « mal-être » des adolescents ne signifient pas forcément une mauvaise estime de soi : « Les adolescents ont un problème avec leur image, avec ce qu’ils renvoient. Mais dans le fond, ils se trouvent plutôt sympathiques. Ils s’apprécient assez» commente Bruno Humbeeck.
L’adolescence est marquée par une quête d’identité paradoxale : s’extraire d’un modèle pour prouver que l’on est unique, et se trouver des pairs pour ne pas se sentir trop différent. Le terrible « tu es comme tout le monde », censé rassurer, se révèle à double tranchant.
Il est difficile pour certains de s’extraire d’un groupe pour se créer soi même. Dans les familles nombreuses par exemple, lorsque l’esprit de clan est trop prononcé, l’enfant a du mal à faire ses propres choix et à se sentir indépendant. Attention à bien faire la part des choses entre les amusantes ressemblances (« il a les yeux de son père ») et l’assimilation (« C’est son père ! »), plus difficile à assumer. Attention également à ne pas faire de « prix » de lot, comme c’est parfois le cas chez les jumeaux.
L’adhésion a certains groupes étranges (gothiques, hippies) flatte leur ego : on leur reconnait des compétences inédites (« tu dessines vachement bien les têtes de mort ») et surtout complètement incomprises des autres. Geraldine 26 ans, explique : « J’avais mes vrais amis, et à côté de ça, je trainais avec des punks, des rastas, des skaters… Ça les impressionnait vachement ! ». Une façon de se valoriser sans se détacher.
Lorsque l’ado s’eloigne, et quoi qu’il en dise, votre jugement reste important. Attention à ne pas l’abandonner : il a toujours besoin, si ce n’est de votre compréhension, de votre intérêt. Si pour vous, c’est complètement aberrant de se dessiner une chauve-souris au feutre noire sur l’omoplate gauche, pas besoin de faire semblant de trouver ça super. Néanmoins, impossible non plus de feindre de n’avoir rien vu, ce serait dix fois plus vexant. A un âge où ils ne savent plus vraiment qui ils sont, demander leur opinion sur le championnat de ligue 1 le valorisera plus que d’essayer de disséquer son moi profond.
Parfois plus inquiétant que les entités rap et les ectoplasmes gothiques, certains ados préfèrent se créer un double identitaire, que ce soit en écrivant ou en jouant aux jeux vidéo. «Lors de l’adolescence, on perd l’illusion de grandeur de l’enfance : l’utopie permet d’avancer, le problème est de n’avoir qu’un rêve » explique Bruno Humbeeck. Pour un gringalet rachitique, quoi de mieux que de se rêver contrebandier de l’espace ? Ces escapades en dehors du réel ne sont pas inquiétantes : elles permettent à l’ado de se créer un idéal. Tant que la vie virtuelle ne prend pas le dessus sur la vie réelle, inutile de s’inquiéter.
Vaincre ou… ?
Pour se construire, il faut connaitre ses compétences, et pour cela faire un bilan de ses réussites et de ses échecs. Encenser les qualités, ce n’est pas non plus nier les défauts. Quoi qu’en disent les mères, aucun fils n’est parfait.
Pour pouvoir avancer, il faut apprendre à accepter défauts et insuffisances : pas la peine non plus d’aller crier ses défauts sur tous les toits… Prendre une chose à la rigolade pour dédramatiser peut contraindre l’enfant à rire, dans un premier temps, tout en restant frustré. Il convient de faire la part des choses entre les faiblesses avouables (« Gregory est nul au foot ! ») et les sujets qui doivent rester tabou (« Tu es le pire dragueur de notre génération »).
L’enfant est souvent confronté à une évaluation difficile lors des débuts de sa vie scolaire : qui l’avait prévenu qu’il était nul en math ? Mis en lumière devant toute la classe, la chose peut devenir humiliante. Pas facile, surtout lorsqu’on essaye de conquérir un groupe et de se forger sa propre estime !
Pour éviter un échec trop retentissant, veillez à ne pas mentir à l’enfant sur ses capacités. Mathieu, 25 ans, a ainsi cru pendant des années être un génie du piano : « Je jouais avec mon père, je pensai réellement avoir un don ! Lors de mon premier cours de solfège, ça a été horrible…»
Pour que l’enfant garde confiance en vous malgré les inévitables gadins qu’il va se prendre, dissocier bien l’amour que vous lui portez d’une compétence quelconque : vous l’aimez pour ce qu’il est, et non pas ce qu’il fait, ou autrement dit quoi que tu fasses, nous t’aimerons quand même. Dans la pratique, ne pas insister sur les capacités familiales à honorer (« on est tous fort en math dans la famille ! « ) ni hurler pendant les interminables devoirs maison (« mais c’est simple # !sd%ù !!!! »).
Pour affronter l’échec, l’enfant doit bien comprendre que quoi qu’il arrive, il ne baissera pas dans votre estime. C’est déjà ça, surtout si la foule locale le hue après une horrible reprise de Johnny Halliday qu’il pensait pourtant être largement du niveau de l’idole.
Réussir sa vie
Echecs et réussites sont tous deux difficiles à gérer. La réussite entraine notamment un cercle vertueux, l’enfant accumulant confiance en lui et courage au fur et à mesure. Mais attention : s’il n’a pas été prévenu, la chute sera d’autant plus douloureuse… L’échec de son côté risque de lancer une spirale négative, entrainant une peur de s’engager dans quoi que ce soit.
Pour accumuler un nombre équitable de victoire et de défaite, il convient de se fixer des objectifs raisonnables. Mais comment savoir ? Estimer ses possibilités est aujourd’hui plus difficile que par le passé. Dans le temps, les choses étaient plus simples : un fils de boulanger appartenait à la classe des boulangers et s’il était compétent, il serait lui-même boulanger, qu’importe ce qu’en pense Georges Danton.
Aujourd’hui, l’idée du « tout est possible » rend les contours possibles. Puisqu’effectivement, toutes les possibilités sont réalisables (théoriquement…), pourquoi ne pas s’imaginer acteur, champion du monde de foot ou président de la république ? Hélas, tout n’est pas possible pour tout le monde, et avec toute la bonne volonté du monde, tout le monde n’est pas Zinedine Zidane.
Pour éviter une vie de frustration, mieux vaut être honnête avec votre enfant. Mais comme souvent, tout cela est une question de dosage : encourager sans tromper, exagérer raisonnablement, ne pas détruire les rêves sans pour autant y souscrire… Après tout on a le droit de mentir aux enfants, lorsque c’est pour leur bien. Et s’il souhaite vraiment devenir président de la république, mieux vaut s’habituer au plus vite à affronter l’avis des autres…