Jean-Paul Valz est l’époux de Mercedes Erra, présidente de BETC Euro RSCG, première agence française de publicité. Première femme élue à la tête de l’Association des Agences Conseil en Communication (en 2002), chevalier de la Légion d’Honneur, entre autres distinctions, exemple de réussite féminine s’il en est, c’est aussi une femme engagée sur bien des fronts et notamment celui du combat pour l’égalité hommes-femmes.
Son mari, très admiratif de son ascension sociale et de sa force de travail, a décidé, il y a une quinzaine d’années, de se consacrer exclusivement à l’éducation des enfants (ils en ont cinq à eux deux), à la maison qui abrite leur bonheur et à la carrière de sa femme. Un homme au foyer comblé témoigne.Côté Mômes : Vous êtes marié à une wonder woman et c’est vous qui vous occupez des enfants et de la maison. Pourquoi avez-vous fait ce choix ?
Jean-Paul Valz : J’étais marié avant de rencontrer Mercedes, j’ai travaillé avec elle pendant plusieurs années. J’étais responsable du service de documentation et d’études de marché de l’agence Saatchi qu’elle dirigeait à l’époque. J’avais beaucoup d’admiration pour elle, pour son génie du marketing, pour sa modestie et pour le fait surtout qu’elle donnait aux gens qui travaillaient avec elle les moyens de réussir. De fil en aiguille, l’amour est né et a bouleversé notre vie. Nous avons très vite vécu ensemble. On a remis les compteurs à zéro chacun de notre côté.
On avait déjà chacun un enfant. Et on en a fait d’autres très vite… Ce qui fait qu’en l’espace de deux ans, on s’est retrouvés avec cinq enfants au lieu de deux. Ca n’était pas évident vu la charge de travail que l’on avait l’un et l’autre pour avoir une vie de famille pas trop heurtée. On était au restaurant tous les deux un soir et on se demandait comment on allait faire. Moi, j’ai dit : « Eh bien, j’ai envie d’arrêter. J’ai envie de m’occuper des enfants, de ta carrière ». Je suis très fier de sa réussite. Elle ouvre sans arrêt des portes pour les femmes, c’est une pionnière. Moi, je ne suis pas carriériste même si j’aimais mon métier. J’avais envie de m’occuper d’elle et de ma famille. Et je ne l’ai jamais regretté.
CM : Quel âge ont vos enfants ?
J.P.V : Pierre a 18 ans, il est en deuxième année de préparation des Grandes écoles Commerciales. J’ai mon petit Benjamin qui va avoir 14 ans qui vit avec sa maman, les jumeaux Louis et Adrien qui ont 12 ans et puis le petit dernier qui vient d’avoir 11 ans, Jean. Et ils sont tous complètement différents, avec leurs caractères, leurs beautés. L’un est footeux, l’autre très raffiné, l’un très masculin, l’autre encore plutôt féminin, il y a de quoi faire !
CM : Avez-vous toujours eu l’amour des enfants ?
J.P.V : Je suis un méditerranéen. Je suis très charnel. Pas envahissant, mais j’ai besoin de mordiller les enfants, ça peut paraître ridicule, les toucher, les câliner, je suis très maman pour ça. J’ai une tendresse infinie pour mes enfants. Ce n’est pas facile tous les jours parce que c’est aussi une grande angoisse de temps en temps, je me demande si je les élève bien, si je n’en fais pas trop ou pas assez…
CM : Des préoccupations plutôt féminines, non ?
J.P.V : Je suis un vrai méditerranéen. J’avais un père très méditerranéen aussi mais plutôt dans le sens machiste du terme : la femme reste à la maison, l’homme travaille et rapporte de l’argent. Ce schéma convenait tout à fait à ma mère mais moi j’ai toujours été sensible au fait qu’elle s’occupait de la maison, même si elle était aidée. Je trouvais qu’elle avait des journées très lourdes. J’ai toujours été sensible à la condition féminine. Ca m’insupporte que les salaires soient encore 30 ou 40% plus bas pour des femmes à travail et compétences égales. Mais je ne suis pas féministe. Je suis simplement pour la méritocratie.
CM : Une de vos journées type ?
J.P.V : Je me lève à 6 heures, parfois plus tôt pour prendre mon petit-déjeuner avec Mercedes. Je lis la presse, c’est important pour ne pas être coupé du monde. J’avais une vie trépidante auparavant, je ne veux pas perdre le fil. Je suis passionné par le travail de ma femme, elle me raconte tout ce qu’elle fait, je suis aussi passionné par tout ce qui a trait à la géopolitique, à la vie sociale de mon pays. A 7 heures, je vais chercher mes enfants, je leur fais des gros câlins, on prend un bon petit déjeuner ensemble, je les aide à se préparer et je les amène à l’école. La vie vous appartient quand vous vous levez très tôt… J’ai découvert ça avec Mercedes. Ensuite, je vais faire les courses, j’adore ça. Je connais tous les rayons, tous les produits ! Je rentre, je fais des gâteaux, des bons petits plats. Ensuite, je m’occupe du chantier de la maison puisque nous sommes en travaux en ce moment. Je prends du temps pour moi, je fais du sport, beaucoup de sports de combat, du vélo. Je lis beaucoup. Je suis un grand privilégié, je suis aidé à la maison. Mais je sais repasser, passer la serpillière, tout. Les enfants arrivent, je leur donne le bain. On se met au travail d’école, c’est très important. Puis nous dînons, je débarrasse avec Dori. Les petits vont se coucher, je les laisse lire jusqu’à 21h30 et après j’éteins. Je veux qu’ils se reposent. Ils ont des rythmes trop durs, beaucoup de travail à la maison. Une fois qu’ils sont couchés, je regarde des émissions sur Arte ou un film (je suis un fou de cinéma). J’attends Mercedes pour dîner, je lui fais un bon petit plat sympa. Je n’ai jamais été autant occupé que depuis que je suis père au foyer et j’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour ce boulot-là… Pour les mamans… Encore plus pour celles qui travaillent en plus d’être mamans.C.M : Avez-vous l’impression d’être un homme qui joue le rôle d’une femme ?
J.P.V : Je suis un homme. Je ne remplace pas ma femme.
CM : Que pensent vos enfants de cette situation ?
J.P.V. : Je pense qu’ils sont fiers de leur papa et très heureux comme ça. Mon petit dernier, quand il était plus petit, me demandait « mais papa, qu’est-ce que tu fais dans la vie ? ». Je lui disais « je suis père au foyer, je m’occupe de vous »… Il insistait : « mais c’est quoi ton vrai métier ? » Je répondais : « Mon vrai métier, c’est de m’occuper de vous »… Peut-être que ça l’a un peu préoccupé à un moment, mais là, plus du tout.
CM : Qu’allez-vous faire quand les enfants vont partir de la maison, est-ce que ça va être terrible pour vous ?
J.P.V : Pas du tout. Franchement, non. Mon rêve, c’est d’avoir quelques jours avec ma femme sans être dérangé ! Je suis très souvent seul. J’avais dit dans une émission de télé que j’étais une femme de marin.
Ce n’est pas toujours facile mais en même temps je suis tellement heureux de la réussite de Mercedes que je la pousse toujours à faire plus.
Elle n’a pas besoin de moi pour ça mais je suis si fier de sa carrière !
Quand mes enfants seront un peu plus grands, je m’occuperai un peu plus de gens à problèmes que j’aime. Je connais la Courneuve, Stains, tout ce que vous voulez. J’ai vécu là-dedans.
Mes vrais copains sont là et je leur suis fidèle. Même venant d’un milieu nanti, la vraie vie, je l’ai plutôt trouvée chez eux qu’ailleurs. Sur un ring, on ne triche pas.
Par l’intermédiaire du sport, j’essaie de faire se rencontrer ces gens-là qui ont des vraies valeurs de courage, d’abnégation, avec des grands patrons. Et les uns sont fascinés par les autres. J’installe une salle de sport à la maison. J’ai des rappeurs, des boxeurs qui viennent s’entraîner avec moi le soir.
Et j’ai aussi des gens qui sont arrivés dans la vie et qui viennent pour perdre du poids… J’essaie de faire de la broderie sur de l’humain. Et ça, je le ferai de plus en plus par la suite.
CM : L’instinct paternel et maternel, est-ce que ça existe ?
J.P.V : Je crois qu’il n’y a pas de schéma. C’est vraiment une aventure intérieure pour chacun. Ce ne sont pas des mathématiques, tout ça. Moi mes enfants, ils m’émeuvent.
Et puis une femme n’est pas obligée d’être présente tout le temps pour être une bonne mère.
Ça me fait hurler quand j’entends ça ! Mercedes est une mère de famille exemplaire. Elle fait des tas de choses ici. Elle prend le temps qu’elle n’a pas. Quand elle est là le week-end, souvent elle travaille dans sa cuisine à 5 heures du matin ou très tard la nuit. Là, dans la maison, c’est pareil, elle supervise les travaux, elle est tout le temps dedans.
CM : Pour vous, un père, une mère, ça sert à quoi ?
J.P.V : Je ne vois pas de différence. Pour moi, le père ce n’est pas spécialement l’autorité même si dans les faits, je suis plus autoritaire que ma femme.
J’ai parfois un petit côté militaire ! Mercedes est plus rebelle, comme je l’étais jeune. Je suis à la fois très masculin et très féminin. J’aime l’art du sabre et l’art du bouquet. J’adore jardiner. Aussi bien tout défricher que chouchouter mes rosiers.
CM : Quels sont vos principes d’éducation ?
J.P.V : J’essaie d’inculquer à mes enfants le sens du partage, la générosité.
Quand on a la chance d’être privilégié comme j’estime l’être, c’est important. J’essaie de faire en sorte, notamment vis-à-vis des femmes, qu’ils se comportent bien par la suite.
Je leur apprends aussi que l’on a une chance infinie. Le fait de beaucoup voyager nous ouvre. La montée de l’extrémisme religieux, quel qu’il soit, la mort d’un enfant par la famine, tout ça me révolte.
L’image que j’ai de moi, je veux qu’elle se retrouve dans ma vie de tous les jours. La loyauté, le courage, tout ça, j’essaie de m’y tenir. J’essaie d’être un honnête homme, à mon petit niveau.
CM : Pensez-vous être exemplaire ?
J.P.V : Je n’ai rien d’exemplaire…
Si, je suis peut-être un exemple pour les hommes. Avec mes amis, qu’ils soient très hauts placés ou beaucoup plus modestes, j’essaie de leur montrer qu’il est important de bien se comporter avec sa maman, avec sa femme. Je ne suis pas moralisateur.
J’essaie de montrer par ma façon d’être, en étant heureux tout simplement, que l’on peut fonctionner différemment. Je trouve que les hommes ont encore beaucoup de chemin à faire pour aider leurs femmes.
Pourquoi les hommes n’auraient-ils pas des mi-temps ou des quarts temps pour que leurs femmes puissent faire carrière ?
Je gagnais bien ma vie, j’existais aussi par mon travail mais là j’existe dix fois plus dans ma vie de famille, dans ce que je peux apporter à Mercedes. Mais il est vrai que je peux me permettre de faire ça parce que nous sommes dans une situation matérielle très confortable. Tout le monde ne pourrait pas le faire. Ca aussi, c’est important de le dire.
CM : Et vos petits enfants futurs, vous vous en occuperez ?
J.P.V : Bien sûr. Je me vois bien vieillir en chef de tribu !!!