S’il est aujourd’hui intégré par tous qu’une femme est libre d’avoir un enfant quand elle le veut (et si elle le veut !) et que ce choix relève de l’intime, la pression est pourtant lourde. Il y aurait un âge idéal, des conditions idéales, une grossesse idéale… Alors, quelle part de choix reste-t-il aux femmes ?
Wonder woman, vous ? Vous menez votre carrière tambour battant, bichonnez votre couple, et trouvez le moyen d’être une femme fatale après votre réunion de 18h. Votre super pouvoir s’est encore accru quand vous avez décidé d’avoir un enfant. A votre emploi du temps de Shiva à quatre bras se sont ajoutés petits pots, couches culottes et nouveau rôle de super maman. Mais si on enlève un instant son masque de super héroïne, on peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles on décide de devenir mère aujourd’hui. Choix intime, ou pression culturelle ? Car passés 30 ans, une femme sans enfants est en décalage avec ce qu’on attend traditionnellement d’elle. Pas de désir d’enfant ? Ça viendra. Toujours pas ? Ça n’est pas normal !
Dans Le Conflit, Elisabeth Badinter décortique le modèle de la « mère parfaite », celle qui allaite à tout prix, utilise des couches lavables et fait ses purées bio. Par la même occasion, elle déculpabilise les femmes sur l’instinct maternel. « Quand une femme, à 35 ans, n’a pas d’enfant, on se demande ce qui lui arrive. Il y a, dans cette société, une tendance à considérer comme anormales les femmes qui ne veulent pas d’enfant. Celles qui peuvent en avoir et n’en veulent pas sont suspectes. Elles sont l’objet de pressions amicales, dont souvent celles de leurs parents qui ‘voudraient bien un petit-enfant’. »
Tu seras une mère, ma fille
Les modèles sexués jouent, dès la petite enfance, sur la construction des petites filles. Qu’on le veuille ou non, on les destine dès leur plus jeune âge à devenir des mères. « On ne nait pas femme, on le devient », scandait Simone de Beauvoir dans son Deuxième Sexe. Les jeux sont un très bon exemple : les petites filles jouent à la dinette, prennent soin de leur poupon comme des petites mamans. Dans La construction de l’identité sexuée, la psychologue Véronique Rouyer explique que « dès la naissance, les adultes sélectionnent les jouets en fonction de leurs propres représentations, et ce avant même que l’enfant ne puisse exprimer ses préférences. (…) Les jouets des filles sont réduits aux domaines maternel et domestique. »
Les livres pour bambins et les indétrônables contes de fées, eux aussi, véhiculent l’idée que la maternité est l’objectif numéro un de la vie d’une femme. Les princesses, affublées de robes-meringues qui les empêchent de courir après les méchants, ne rêvent que de trouver leur prince charmant pour avoir beaucoup, beaucoup d’enfants. D’après les études relayées par Véronique Rouyer, « la littérature enfantine reste marquée par l’invisibilité de la femme dans la sphère professionnelle, et celle de l’homme dans la sphère parentale »
Les médias aussi sont là pour nous rappeler que l’horloge tourne… Les modèles familiaux traditionnels y sont véhiculés de manière quasi systématique. Ouvrez un magazine people, ou même un féminin : la maternité y est sacralisée, mise en avant à tout bout de champ. Madonna maman à 39 ans, Brad et Angelina et leur famille Benneton, Katie Holmes et sa fille de 4 ans aussi célèbre qu’elle…
Alors, quelle est la part de choix véritable, dans la décision de faire un bébé aujourd’hui ?
« C’est moi qui décide ! », annonce Mélanie, 29 ans. Pour autant, elle convient facilement que les conventions peuvent jouer un rôle de taille dans le désir d’enfant. « Contrairement à Paris où l’on accepte assez facilement une femme qui choisit de s’épanouir professionnellement avant d’envisager une vie de mère, dans la petite ville d’où je viens, la pression sociale est palpable… A 30 ans, nos mères avaient souvent déjà eu un enfant, mais ma génération se retrouve moins dans ce choix de vie. Heureusement, mes frères et sœurs se sont chargés de répondre aux envies de notre mère ! », s’amuse-t-elle. La jeune femme, qui attend le bon moment (et le bon garçon !) pour devenir maman, a fait un pacte avec son meilleur ami : « Si dans quelques années on a pas trouvé l’amour de notre vie, on s’arrangera entre nous ! ».
Sandra, elle aussi, s’est longtemps sentie sous pression : « A 30 ans j’étais encore célibataire. Les remarques allaient déjà bon train. Et à 35, toutes les mamans de mon entourage me lançaient des ‘Faudrait t’y mettre !’ ».
« Notre liberté existe dans la contraception et non dans l’anti-conception. », regrette Alice, 22 ans. « J’ai vite pris conscience de ces normes oppressantes et j’en ai cherché les limites. Résultat : que tu ne saches pas quand et comment tu veux un enfant, jusque là tout va bien. Mais si tu commences à douter à voix haute et à pointer du doigt les pressions pour la maternité, c’est comme si tu appelais à la lutte armée. »
« Pendant des années, au réveillon du premier de l’an, c’était immanquable », raconte Clarisse, 28 ans : « ‘Bonne année, bonne santé… et un bébé à la fin de l’année !’ Au final, mon compagnon et moi avons décidé de faire un enfant au moment où nous l’avons souhaité, pas pour faire plaisir à notre entourage. »
Même si on a bien intégré le célèbre « Un enfant, si je veux, quand je veux », il semble que fondamentalement, on continue à croire qu’une femme n’est pas complète tant qu’elle n’a pas d’enfant.
Qu’est ce qui pourrait faire de vous une femme complète ?
Roxanne, 24 ans : « Gagner mon indépendance financière. »
Nathalie, 26 ans : « Un bébé ! Je n’imaginerais pas ne pas devenir mère. »
Josepha, 31 ans : « J’aimerais avoir du temps et de l’argent pour voyager… Et surtout, trouver l’homme de ma vie ! »
Marielle, 37 ans : « Agrandir la famille ! Un troisième bout de chou, et je serai comblée. »
Malika, 29 ans : « Déccrocher le job de mes rêves ! »
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