D’un agenda de ministre à l’usage intensif de la télévision, nos enfants savent-ils encore jouer ? Quel usage font-ils des jouets qu’ils ont à profusion ? Si le jouet devrait être l’objet d’un choix, d’un besoin, la plupart du temps, c’est le fruit d’un désir suscité par les fracas du monde marchand. Au mieux, un signe des temps ; au pire, un phénomène de mode.
Loin d’être choisis au hasard par l’enfant, les jouets auquel il s’intéresse en disent long sur ses préoccupations, sur les apprentissages qu’il est en train de développer. On ne fait pas le même apprentissage en peignant une tête à coiffer qu’en construisant des tours de Lego. Encore faut-il que l’enfant ait vraiment le choix. Au détour d’Halloween, l’enfant est bombardé de publicités qui tentent de forcer son intérêt et les boites aux lettres débordent de catalogues qui n’ont d’autre objet que de l’assommer de propositions.
Comme l’explique Gilles Brougère, professeur de sciences de l’éducation, le jouet fait partie intégrante de la socialisation de l’enfant. « A travers des images du monde, des règles de jeu, des principes de manipulation, le jouet transmet du sens aux enfants pour la production de leur activité ludique. » Un apprentissage qui permet à l’enfant de grandir à son rythme : « Les enfants sont à la fois des » lecteurs » des jouets au sens où ils doivent en décoder le sens et les utilisateurs en ce qu’ils produisent une action signifiante à partir de leur lecture. »
Jouer n’est pas un passe-temps, c’est le métier de l’enfance ! Une construction sensible, intelligente et sociale qu’il faut savoir accompagner. A ce titre, en pleine période de Noël, au moment où vous mettez peut-être la main à la dernière lettre au père Noël, il est important non pas d’imposer mais d’avoir quelques repères pour guider votre enfant dans la profusion de jouets qui lui sont proposés, de le protéger de la profusion pour qu’il ait encore l’occasion de faire vraiment un choix.
L’importance des jouets dans le lien familial
Les jouets ne sont pas des objets anodins. Il n’est pas rare d’ailleurs qu’ils se transmettent de génération en génération, et ils constituent presque toujours des cadeaux. Ils reflètent ainsi les valeurs, l’amour que l’on veut transmettre à son enfant… mais aussi les projections que l’on fait sur lui. Quand on choisit un jouet pour son enfant, ou quand on lui lègue un jouet de son enfance, on lui donne une information sur ce que l’on souhaite le voir devenir. Le jouet devient un véritable lien entre les générations.
L’indispensable doudou
Tous les bébés en ont un. C’est l’un des premiers cadeaux que l’on fait à son enfant. Et le doudou devient instantanément indispensable ! Les bébés sont en constante demande d’affection, de sécurité. Le doudou complète, dans un sens, l’affection des parents, notamment à des moments où l’enfant est seul. Le doudou rassure sur l’amour des parents à tout moment. C’est également un moyen de se rassurer seul, et de commencer à gérer la frustration.
Développer sa créativité
On se souvient tous des histoires abracadabrantes qu’on s’imaginait quand on était enfants… Des aventures de cow-boys et d’indiens, de princesses et de sorciers, qui pouvaient nous occuper pendant des heures ! Le jouet permet à l’enfant de développer sa créativité, son imagination, mais aussi sa logique. Mais ce n’est pas tout : le jouet permet aussi de développer ses capacités psychomotrices. Il est de loin le plus naturel des outils éducatifs, et comporte un avantage de taille : il opère sans aucun effort !
Une première idée du lien social
A travers le jeu, l’enfant se positionne tout seul dans les fondamentaux du lien social. On fait la part des choses entre le bien et le mal, le respect des autres, le partage… Ainsi, tout en jouant, on commence à repérer les bases des conventions sociales dans lesquelles évoluent les adultes. En appliquant ces quelques règles, l’enfant récolte la reconnaissance des adultes : c’est un premier pas vers la confiance en soi.
Les jouets marquent les cycles de la vie
Le jouet a une autre utilité : celle de montrer à l’enfant le chemin de l’autonomie. A chaque âge, son jouet ! L’enfant apprend ainsi à devenir grand, en s’appropriant les jouets qui correspondent à sa tranche d’âge. C’est ce qu’explique Sandrine Vincent, sociologue auteure de Le Jouet et ses usages sociaux. « Dans son berceau, les hochets, les peluches et autres poupées en tissu sont destinés à éveiller ses sens. Vers 3 ans, il fait le tour de la maison avec les jouets à traîner. De 4 ans à 6 ans apparaissent les premiers jouets dits d’imitation, qui représentent, à son échelle, le monde adulte. Avec ces jouets et à partir de ces âges s’opère une différenciation sexuelle. De 6 ans à 12 ans, aux jeux proprement éducatifs, de réflexion et de société s’associent les « jouets univers » et les jeux de construction. Enfin, à 12 ans, les jeux de société et aux maquettes sont proposés et gagnent même, selon leur niveau de complexité, le monde des adultes. »
Le choix des jouets : l’expression de la personnalité
Le rôle des parents dans le jeu est essentiel : Le choix du jouet lui même, permet à l’enfant d’exprimer ses préférences, sa personnalité, et d’enrichir ainsi sa relation avec ses parents. Observer vers quel jouet se tourne spontanément son enfant est donc capital dans la relation que l’on crée avec lui ! Il est important de laisser son enfant aller seul vers les jouets qui l’attirent, et de ne pas brider ses possibilités. Surtout, imposer des jouets en fonction de ses goûts de parents constitue une mauvaise frustration : cela revient à restreindre sa créativité.
Les jouets d’imitation : copier pour mieux grandir
L’imitation permet à l’enfant de comprendre le fonctionnement du monde qui l’entoure, mais aussi les rôles sociaux de chacun. C’est à partir de sa phase d’imitation que l’enfant perçoit réellement son intégration au sein de la société. Pendant cette phase, l’enfant va créer des situations, et sera amené à inventer des éléments perturbateurs auxquels il devra trouver des solutions. Ainsi, il apprend tout seul à gérer les frustrations, les interdits : un véritable apprentissage du rapport humain. A votre place de parent, observez ces jeux d’imitation sans porter de jugement de valeur sur les choix de votre enfant : le principe même du jeu d’imitation, c’est qu’on peut incarner n’importe quel rôle. Place à l’imagination !
Choisir un modèle
Même si cette imitation se fait a priori sans distinction de sexe, une petite fille s’identifie plus facilement à sa mère, et un petit garçon à son père. Il est donc très courant que les jouets soient des miniatures des objets utilisés par les parents… et ça peut vite friser le cliché. Là aussi, il est important de montrer à l’enfant que les possibilités de jeu ne s’arrêtent pas aux stéréotypes de son sexe. Justine veut jouer aux voitures et Justin à la dinette ? Tant mieux ! Après tout, maman conduit, et papa cuisine, non ?