Il existe chez les 0-3 ans des pathologies qui ne sautent pas aux yeux, mais qu’il est pourtant primordial de détecter le plus tôt possible. L’attention des parents est en première ligne.
Le point sur les troubles de la vue avec le Dr. Sylvie Berthemy, ophtalmologiste à Grenoble.
A quel âge dépister les troubles de la vue?
Un premier dépistage est réalisé par un pédiatre dans la première semaine du nourrisson.
A cet âge, il peut déjà détecter des anomalies anatomiques comme un œil malformé, plus gros ou plus petit que l’autre, des pupilles blanches, signes de cataracte et de glaucome, ou un œil trop brillant, trop « beau », signe d’une éventuelle tumeur (le diagnostic ne sera posé que plus tard, le temps qu’elle se développe).
Ces pathologies demandent des traitements précoces en chirurgie ou radiothérapie.
Rappelons tout de même qu’elles sont rarissimes ! Un deuxième dépistage a lieu lors de la visite obligatoire des 9 mois de l’enfant, et encore un à 2 ans.
Troubles de la vue des bébés : quels sont les plus fréquents?
– Le strabisme (les yeux qui louchent) est le trouble de la vision le plus fréquent chez les 0-3 ans. Dans ce cas, l’œil est tout à fait normal mais il voit mal, car il est légèrement dévié, et l’enfant regarde en dehors de la zone de vue centrale qui donne 10/10e. Heureusement, ce trouble se corrige très facilement.
On prescrit un port de lunettes spécifiques, et l’on doit souvent cacher le bon œil (jamais de cache sur les lunettes) pour faire travailler l’œil amblyope ou « paresseux ». Ainsi, c’est la rétine qui travaille et non les muscles. Cela peut se faire dès les tout premiers mois en cas de fort strabisme.- Des retards de maturation ophtalmologique peuvent également faire l’objet d’une consultation.
Si vers un mois, les parents remarquent que leur bébé ne les suit pas du regard, un examen chez l’ophtalmologiste s’impose.
La plupart du temps, on peut les rassurer car les voies visuelles de chaque enfant ne se développent pas au même rythme.
Des rendez-vous réguliers permettront de faire le point.
– Le « ptosis » congénital est un trouble à surveiller. La paupière supérieure tombe car le muscle est mal développé. Elle ne doit pas recouvrir la pupille, car cela risquerait d’altérer la vision du bébé. Si c’est le cas, on peut la relever par une petite intervention d’attente avec des fils. Si la ptôse est vraiment très importante, il faut opérer. On attend pour cela le plus tard possible (12-15 ans).
– Enfin, il peut exister un dysfonctionnement des voies lacrymales. Si, à la naissance, l’enfant n’a pas de larmes car le système n’est pas encore tout à fait fonctionnel, il est en revanche anormal que l’enfant larmoie ensuite sans arrêt (quel que soit l’âge). Le système d’évacuation peut être obstrué par de petits résidus de l’accouchement ou par des « brides » organiques. Un traitement à base de dosettes antiseptiques et de massages de la racine du nez, pour faire « lâcher » les brides, est alors prescrit.
– Passé 3-4 mois, si bébé ne présente toujours pas de réponse aux stimulations visuelles, le spécialiste va chercher une autre cause (autisme, cécité…).
Troubles de la vue des enfants : est-ce congénital?
Les troubles de la vision sont, pour beaucoup, d’origine génétique, mais pas tous à transmission dominante. Ainsi, deux parents myopes ont plus de risques, statistiquement, d’avoir des enfants myopes. De même pour les cataractes congénitales.
Cela dit, beaucoup de maladies rétiniennes qui rendent aveugle ne sont pas transmises aux enfants, car elles sont d’hérédité récessive. De toute façon, lorsqu’il y a dans la famille de forts antécédents de strabisme, de myopie ou de cataracte, on a intérêt à prendre contact avec un ophtalmologiste dès les premiers mois de l’enfant.
Et pour cette spécialité, je rappelle qu’il n’est pas nécessaire de passer par un généraliste avant.